Un monde sans fond ni forme

Ciar’Reyna était assise, pattes croisées, yeux fermés, immobile. Autour d’elle, l’univers semblait figé, vide, sans bruit ni vie. Cela faisait déjà une éternité baste, soit quelques jours, que La Reyne se trouvait dans son univers personnel, un monde propre à son existence, et seule son existence, que Jahemil avait révélé en tentant d’user de ses drogues de soigneur pour la réveiller d’un de ses court coma usuel, alors qu’elle était tombée dans un de ses combats amical contre Mau; rien qui ne sortait de l’ordinaire dans cet univers, vraiment.

Ainsi, la Reyne s’était isolée volontairement, décidant de quitter ce monde sans règles ni constante, qui, à chaqu’une de ses actions, avait répondu par un simple “non”, lui envoyant à la gueule une nouvelle séries de faits sortis de nul part et qui, forcément, devait prendre préséance sur ce que son existence avait établie. Lasse, celle-ci avait fini par se rétracter sur elle-même, au point de retrouver cet univers personnel vide et où seule La Reyne demeurait.

Et pourtant… Même à cette endroit, le loufoque de solsora l’aurait bien rattrappé.

“Reyna, tu ne peux rester ici à jamais.”

La polquette avait incliné la tête, observant la baste, l’air inquiette. Elle avait toujours été là, fruit nécessaire de l’imagination de La Reyne.

“Ah si? Pourquoi?”

La polquette fut prise de court par la question. Habituellement, il suffisait d'énoncer de tels faits pour qu’ils soient alors vérité absolue, mais cela n’avait jamais suffi à l'exigeante baste. Le personnage loufoque qui savait rapprocher l'existence de La Reyne à celle d’un personnage de dessin animé avait néanmoins tenté de la résonner.

“Solsora est en danger, Nax’Uss risque d’imploser, La Reine Ghalaryel à besoin de votre aide!”

“Vraiment Pok-pok? La qui-veut-être-reine? Celle sortie sans même une explication d’un monde détruit jadis, Arkadia? Celle-là même qui se fait un point d’honneur de rappeler à tous qu’elle possède puissance que même les divins peinent à canaliser? Cette toute puissante atlante là? Besoin de l’aide de Reyna? Non-sens.”

La polquette resterait silencieuse un moment. Puis les deux, en coeur, soupiraient la phrase qui les unissait:

“Dans ce monde absurde, rien n’a de sens que la souffrance…”

La Reyne replongea dans ses songes sans fin, ignorant la non-présence de cet être d’un autre monde, qui aurait dû disparaître lorsqu’elle avait fait exploser le catalyste. Mais Pok-pok n’était pas du genre à abandonner, si?

“Reyyyynaaa!”, se serait longuement plaint le volatile.

Elle aurait grondé à son endroit comme seule réponse, mais la polquette ne se laissait pas intimider si facilement.

“C’est l'existence même qui est en jeu! Dulcea en soit témoin! Sans Solsora, La Reyne n'existerait pas, sans Solsora, celle-ci n’aurait jamais pu briller, pas même un seul instant! Il est de son devoir de tout faire pour préserver ce monde en déclin! Ses petits plaisirs, ses grandes envolées, La Reyne doit tout à cet univers qui l’a façonné.”

La Reyne resterait là, assise dans ce non-monde, sa petite poche d'existence personnelle, sans un mot pour son compagnon de toujours. Elle le fait languir si longtemps que le pauvre Pok-pok en aurait pondu un œuf nerveux.

“Faux. Celle-ci n’est pas le fruit d’un univers qui aurait pu avoir du potentiel, son existence ne se vit pas naturellement poindre face à l’ouverture de ce monde sur celui de ses ancêtres. Elle ne doit rien à l’hiver qui aura enneigé ces landes, elle ne doit rien au lettre de l’alphabet, elle s’est vue diminuée par l’enfer et son serment envers les dieux, elle s’est vu réduite à une existence simple où sa seule utilité était un sursaut provoqué par l’onomatopé qui sert à surprendre. Ce monde est une farce, l’a toujours été. La Reyne était simplement trop en admiration de sa propre personne pour laissé aller quand elle aurait du.

Non, Ciara doit seulement au sien. Mau, Jahemil, Fob, ceux-ci n’ont pas besoin d’elle. Ils auront certainement trouvé confort dans ce dénouement qui n’en est pas un, ce dénouement qui ne saurait, encore une fois, prendre en compte leur existence pour autre chose que des pigeons présents pour le plaisir d’auteurs sans égards pour leur acteurs… Celle-ci est lasse, elle comprend Fob de désirer une nouvelle aventure; nouveau nom, nouvelle vie, même ambition, même désir de revanche… Elle comprend Mau et Jahemil de marcher dans les hautes herbes rabattues par les efforts inconcevables de Ciassa.

Mais c’est elle, et réellement seulement elle. La sœur de Ciar’Reyna, La Ménestrelle, L'Espoir du Peuple Libre. C’est à elle que Ciara doit son existence. Ce fut toujours le cas, avant ce monde, et La Reyne disparaîtra avec les efforts de celle-ci à faire un sens dans la tempête d’absurde. Ainsi, La Reyne refuse de prendre part plus amplement à cet univers qui les aura tous rejetés, les aura tous traités comme risibles, inimportants. Ce n’est pas son spectacle, et elle se voit fort sélective des pièces dans lesquelles elle paraît. Elle ne doit -rien- à Solsora. Ce monde peut conserver sa magie, la perdre, disparaître totalement, celà lui est égal. Elle doit toute son existence, chaque instant, chaque petite tragédie, chaque moment au cœur léger, chaque scène brillante, à Ciassa. Et donc, elle se donne droit du plaisir de se soustraire de ce monde pour toujours, puisqu’elle ne lui doit rien.”

La baste n’avait même pas daigné ouvrir l'œil, récitant ce discours à Pok-pok pour une énième fois. La polquette, patiente, habituée au long discourt qui tournait en rond de sa vieille amie, opinait doucement, l’air presque suffisant, en écoutant les paroles résignées de Ciar’Reyna. Ce n’est que lorsqu’elle se plongea de nouveau dans son silence qui se voulait permanent que le volatile répondit:

“Han-han! Han-han! Mais... Reyna… Sorcha, elle sera du combat final, tu le sais, non?”

La baste ouvrit brusquement les yeux, les oreilles se dressant, sa posture perdant de son décontracte méditatif. L’univers autour d’elle reprit forme, les gens passaient dans les rues agitées de Croymery, la dévisageant un peu au passage. Cissa serait du combat? Ainsi, La Reyne ne pouvait se soustraire à l'existence. Pas maintenant, pas encore… Sa sœur avait besoin d’elle, et elle se ferait un devoir de la soutenir jusqu’à la fin.