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 Fables Félines

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Ciar'Sorcha, Baste

Ciar'Sorcha, Baste


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MessageSujet: Fables Félines   Fables Félines EmptyDim 15 Jan - 12:57

Chapitre 1 - Devant l’Éternel

Fables Félines Chap_110

Le vieux Baste était installé auprès de l’âtre, dans une pile de coussins que même les Croyens, pour qui l’idée d’excès était un concept abstrait, auraient jugée excessive.

Autour de lui, allaient et venaient des figures connues dans l’effervescence propre à l’approche du crépuscule. C’était les fils et filles de ses portées, et des portées de ses portées, au pelage jaune or piqueté de taches sombres, qui allaient et venaient à leur bon gré, mais aussi d’autres Bastes qui, sentant l’odeur de ragoût de poisson et la chaleur du feu ronflant, étaient attirés comme le papillon de nuit par la flamme et qui faisaient là comme chez eux. Dans cette ébullition de vie, le vieillard pourtant fumait tranquillement sa pipe, avare de mouvement. Pour lui, le temps s’était ralenti, comme il le fait souvent avant de s’arrêter tout à fait. Après tout, le vieux Baste avait atteint le vénérable âge de vingt ans.

Comme sortant d’une rêverie, mâchonnant l’embout de sa pipe il vint dire :

“...’Savez, y’a longtemps, du temps des pèrrres d’vos pèrrres d’vos pèrrres…
…du temps d’avant, l’rrressac de l’Éther
…du temps d’avant, qu’tout d’rrrevienne délétèrrre…
…du temps qu’rrroulaient rondement les affaires…”


Quelques oreilles frémirent et se dressèrent. Chatons chahuteurs s’immobilisèrent sur place, au milieu de leur jeu, sans avoir à être saisis au collet par quelque adulte perdant patience. Les yeux à la prunelle fendue se tournèrent vers le vieillard, tandis que les Bastes approchaient à pas feutrés, formant agglomération bigarrée auprès de l’âtre, du tas de coussin, et de l’Ancien.

On présenta au vieux félin un luth aux cordes de fil métallique torsadé, que ses griffes avaient fait chanter des années durant.

Il y a une décennie, le Baste était l’égérie du quartier et s’était fait sa petite réputation comme ménestrel non seulement parmi les siens, mais aussi parmi les Fae’Hekel, Dvergars et autres Croyens. Le temps, cruel, imposait désormais au vieux barde de faire un effort pour déplier ses doigts affectés par l’arthrite, afin de faire chanter son luth une ultime fois.

“...Avait paru en nos boutiques une drôle de lamproie…
…S’faisait appeler -strigoi-, y fallait voir ça…
…Obsédé par l’sang, pourtant y manquait d’sang-froid…
…L’aura appris c’jour-là qu’on peut mourir deux fois…”


Quelques rires, soupirs amusés ou commisérés, surgirent alors à l’évocation de la créature morte-vivante à l’existence incertaine, du passé antédiluvien qui laissait tant d’entre eux froids, de l’hors-Croymery qui n’était plus accessible depuis belle lurette. Mais on passait à l’Ancien les rêveries et fabulations qui étaient de son âge, et on prenait pourtant plaisir à l’entendre tirer des notes de son luth et à narrer ces récits tirés par la fourrure.

La nuit tombait lentement. Et tandis que l’instinct refluant poussait les Bastes à l’activité à l’heure du couchant, le vieillard lui s’assoupissait le luth entre les pattes, content d’avoir ri et chanté. Une dernière fois.



À la veillée funèbre tenue dans le foyer Baste, une poignée de Croyens, Fae’Hekel et Dvergars s’étaient présentés. C’était là des amis du barde, surpris de voir le félin s’éteindre quand ils dansaient sur ses mélodies hier encore, leur semblait-il. Certains masquaient leur morgue sous un masque de solennité, d’autres encore écrasaient sous le pouce de gênantes larmes ou s’abandonnaient à l’éclatement de leur chagrin. Mais pourtant, mis devant l’éphémérité de leur défunt ami et du peuple baste en entier, ils étaient seuls à pleurer. Car la maisonnée baste faisait bombance : la boisson coulait à flot, les tablées étaient garnies, nombre de félins chantaient fort (et parfois faux). Entre d’autres pattes, sous l’influence d’autres griffes, le luth lançait de nouvelles notes devant le feu ronflant.

Une tout jeune Baste au pelage jaune piqueté de taches sombres lançait, sur les notes égrillardes, la fable qui se ferait à la fois appel à la gaieté, leçon et hommage :

“À l’aube des temps, les peuples reçurent en partage
Les années de longévité qui feraient leur héritage
Du fil des vies découpé, puis reçu en gage
Tandis que l’Éternité même faisait l’arbitrage

Menton haut et imbus de fierté, Strigois parurent les premiers
Se faisant sang d’encre de voir distribuer
Des miettes d’un temps fini, part d’leur immortalité
À les voir si décidés, l’Éternité en fit des décédés

Les Faeling parurent en second, altiers et gracieux
Espérant que l’Éternité aurait faveur pour eux
Mais découvrant que les morts-vivants avaient mieux
Le fil d’leur vie se consuma à petit feu

Ce fut au tour des Dvergar que de suivre les Fae
Et eux ne se gênèrent pas pour demander
Mais quand bien même ils voulurent négocier
Ils reçurent un fil de vie clairement limité

Humanis parurent ensuite, bonhommes et confiants
Demandant pour leur compte un nombre indécent
Mais quand bien même furent-ils bruyants
L’Éternité les entendit-ils, seulement?

Les Bastes, eux, dormirent tout le jour
Pendant que l’Éternité tenait sa cour
Et que s’écharpaient pour son plaisir les vautours
Qui mendiaient leur compte à rebours

Bastes ne vinrent pas à l’Éternité, mais l’Éternité à eux
Pour partager avec ceux-ci un secret précieux
Quand bien même ils ne vivraient pas si vieux
Vaut plus que l’infini un seul moment heureux”


Dans les notes qui s’élevaient, et la fable qui se contait, un peu de ce qu’avait été le vieux Baste se perpétuait. Quelques décennies effaceraient tout de son nom et le gros de son souvenir. Resterait l’essence de sa philosophie, celle que portaient en eux les Bastes depuis déjà bien longtemps.

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Ciar'Sorcha, Baste

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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyMar 17 Jan - 20:34

Chapitre 2 - Canevas Vierge

Fables Félines Chap_211

La salle de séjour de la résidence était ouverte sur la rue. En son sein, membres de la famille proches ou éloignés, ou même de parfaits étrangers, pouvaient savourer un instant de répit, faire une sieste de midi réparatrice ou échanger les dernières nouvelles.

Occupant tout le pan de mur du fond, une toile trônait devant l’assemblée. C’était celle d’un Baste au pelage immaculé, richement vêtu d’une tenue de velours brodée de fil d’or, visiblement créée par un tisse-rêve. Si on avait interrogé chaque Baste de l’assemblée, du quartier, voire de tout Croymery, quant au nom de l’altière figure représentée sur le tableau, on n’aurait pas pu tirer l’ombre d’une réponse. Le nom de ce héros ou de cette héroïne des temps jadis, peint(e) plus grand(e) que nature, était désormais perdu pour de bon.

La toile n’était pas un hommage au passé, le souvenir d’un ancêtre… elle était, tout au contraire, un symbole. La démonstration haute en couleur de ce qui était possible.

D’une génération à l’autre, la figure au pelage immaculé avait éveillé des curiosités et des conversations. Une tradition en avait émergé : il était désormais coutume pour les esprits créatifs des jeunes portées de faire leurs dents sur une idée. Il fallait pour les poètes, ménestrels, lettrés et artistes néophytes s’interroger sur ce qu’avait été cette noble figure féline qui occupait la salle de séjour depuis des générations. À jamais figée dans sa pose aristocratique, elle reprenait vie régulièrement pour figurer au cœur d’épiques aussi variés que le permettait l’imaginaire des jeunes félins. On disait même que l’éminente écrivaine du Bulletin, Tsaraassa, avait un récit de son cru pour le Baste du portrait.

On avait fait de ce blanc félin anonyme, de ce canevas vierge, tour à tour une universelle aragne murmurant à l’oreille du Maire Lorgess, un prince des voleurs avec le coeur sur la patte pour les siens, une éminente diplomate vivant à l’époque où il existait autre chose que la sûreté de Croymery, un preux à l’âme aussi immaculée que le pelage se posant défenseur des faibles, un richissime magnat qui tenait la Coopérative de la Flamme Éternelle au creux de ses coussinets, une émérite aventurière ayant fait fortune en osant mettre la patte là où nul n’allait plus… et tant d’autres choses dont on peinait à garder le souvenir. D’une génération à l’autre, l’histoire de ce Baste immortalisé par le portrait s’oubliait et se réinventait, protéiforme.

Ce jour-là, une paire au pelage doré moucheté de taches sombres considérait le portrait : Ciar’Reyna l’esthète et Ciar’Sorcha la conteuse. Leur rite de passage les attendait. Et la nouvelle vie qu’elles pourraient lui donner, portées par la seule force de leur imaginaire.

...

Du duo, Ciar’Sorcha l’apprentie ménestrelle ménageait ses effets, attendant que sa soeur pense à la chanson qu’elle réservait à l’immaculé, et à la vie qu’elle saurait lui inventer. La ménestrelle, elle, chercha à puiser l’inspiration en contemplant le portrait grandiose, mais cette inspiration vint au fond d’elle-même. Dans les chausses de ce grand félin blanc, qu’aurait-elle fait, elle?

Quand vint le temps de partager son conte, celui de la barde allait comme suit :

“L’était autrefois un Baste d’un passé distant.
Qui regardait vers l’avenir d’un air confiant.
Et qui immortalisa pour toujours ce sentiment.
Sous le pinceau du peintre, juste en posant.

Et en ce jour on chantera la gloire.
De celui qui se commit aux mémoires.
Mais l’important n’étant pas de savoir.
Car chacun ne perçoit que ce qu’il veut voir.

Ce félin roué savait que sa légende vivrait à jamais.
En choisissant sciemment l’artiste qu’il payerait.
Pour le peindre avec plus de grandiose qu’il n’avait.
Car le fascinant et le splendide prévalent sur le vrai.”


Le temps de l’artiste viendrait peut-être, que de façonner les réalités à sa volonté et d’édifier un monument à sa propre gloire, de semer derrière elle des mystères qu’il reviendrait aux prochaines générations de déchiffrer, et de laisser une histoire que d’autres encore pourraient enjoliver.
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyMar 24 Jan - 5:02

Ciar'Reyna écoutait, mais ses yeux habituellement vifs, brillants d'un jaune éclatant, témoignaient actuellement de son désintérêt le plus totale pour cette tradition vue et répétée à mainte reprise.

Vient alors son tour de partager sa création. Elle leva dramatiquement le museau, évitant l'auditoire du regard, la queue courbée dans la même direction, une expression neutre sur ses traits félins, avant de déclarer: "Ceci n'est point une simple ode, plutôt un pied de nez envers l'exercice et son sujet:"

S'en suivi un long feulement, violent, bien que mélodique, empreint d'émotions fluctuantes, durant lequel Ciar'Reyna enchaînait les mots:


"Il est d’une sincère stupidité,
que de se vouloir voir immortalisé

Ainsi, quiconque fût un jour sujet
de cette peinture, de cet illustre portrait
Ne relève d’aucun intérêt
Seule notre interprétation est vraie

Il est d’une sévère absurdité
que de voir ses vouloirs cristallisés

Ainsi, qui rompt avec cette toquade
Alors cette représentation rétrograde
ne révèle plus sa vraie façade
Seule la note d’une impression passade

Il est d’une super-sénilité
que de vous voir loir dans le passé
"


Elle fit ensuite volte-face, marquant une pause dramatique, avant de siffler entre ses canines: "Ciar’Reyna, La Reyne Ennuyée.". Figée sur place, dos à son public, elle était restée immobile un instant, pour que tous puissent comprendre, avant de quitter sans une oeillade pour les siens.


Dernière édition par Ciar'Reyna, Baste le Dim 29 Jan - 2:39, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyJeu 26 Jan - 1:17

Chapitre 3 - Une fois, un chat laid…


Fables Félines Chap_310

Dans la soupente réaménagée en salon de beauté avec les moyens du bord, une Baste au pelage doré moucheté de points noirs s’affairait, penchée sur le client aux poils angora sales et emmêlés qui occupait le seul fauteuil. Affalée dans les marches, guettant la coiffeuse et son client, une autre Baste aux pelage d’or et de noir faisait vif contraste par son oisiveté.

“Hé, soeurette, tu veux entendre une fable?”

Les oreilles de la baste affairée frémirent à la mention. Mais, hormis un “Mhrrh?” indifférent, il n’y avait pas grand chose à tirer de Ciar'Reyna l’esthète, dont la brosse parcourait le pelage négligé du Baste qui avait requis ses services. Récemment, Ciar’Reyna avait ouvert les portes de son modeste salon et, même si la clientèle ne s’y bousculait pas, elle tirait de ce salon une grande fierté. Et à cause de cet élan de fierté, ce qui d’abord avait été un métier se transformait en vocation. Le combat contre la laideur s’était transformé pour elle en véritable croisade. Armée de brosses, de peignes, de teintures, de shampoings, de pommades… et de sa langue, Ciar’Reyna se faisait fer de lance de cette lutte de tous les instants.

Mais l’absence de réponse de sa sœur de portée ne suffisait pas à atténuer l’enthousiasme de la ménestrelle. Avec un sourire matois, il ne fallait pas plus d’encouragement à Ciar’Sorcha pour se lancer :

“Il était une fois un Baste à qui la fourrure n’était jamais venue
Et qui adulte était comme un nouveau-né, flambant nu
La raison de son infirmité était bien inconnue
Mais apparente était sa perpétuelle déconvenue

Peu valait la peau de ce pauvre hère frigorifié et indécent
Damné par la naissance à cet étrange tourment
Mais le destin retors avait aussi fait grâce d’un talent
N’en fallait pas plus pour que le moche félin mijote un plan

Au bout du pinceau naquirent poils qui n’étaient pas
Rajoutant à l’illusion, peut-être une pincée de mana
Tant et si bien que le Baste hideux se transfigura
À même son corps, on ne pouvait plus lire son tracas

Mais chevillée à chaque corps reste la réputation
Et passa de bouche à oreille le récit de l’altération
Imparfaits affluèrent chez le Baste pour des solutions
À leurs propres tares de corps ou de raison

Ah le Baste plus-si-laid était bien prêt à les aider
Mais par soi-même commence charité bien ordonnée
Ainsi plus que beau ou laid, le Baste devint fortuné
Et pour son art, il figura parmi les plus réputés

Cajolé ou menacé le nouveau beau resta pourtant muet
Sur sa transfiguration et la racine de son succès
Comme on sait que ce qui arrive au chat-laid reste au chat-laid
L’on sait que chaque Baste est farouche gardien de ses secrets”


Dans le fauteuil de l’esthéticienne, le Baste angora, les oreilles aussi dressées que les poils, paraissait tiraillé entre stupeur et hilarité. Des yeux écarquillés, il semblait désormais étudier Ciar'Reyna, et la mesurer sous différents angles en inclinant le museau d’un côté puis de l’autre. Peut-être cherchait-il à savoir si la fable qu’il venait d’entendre n’avait pas un fond de vérité.

Un feulement émanant de la gorge de Ciar'Reyna était annonciateur de ce qui était à venir, et la ménestrelle eut un bond leste vers le palier, assez prompt pour entendre une brosse siffler au-dessus de ses oreilles baissées avant de s’écraser contre le mur du fond. Bientôt la clientèle affluerait davantage dans le cagibi qui servait de salon de beauté, portée par la curiosité devant la rumeur galopante, et gagnée au prix fort pour l’esthète : celui de sa réputation.

Chez les Bastes, la fraternité était comme ailleurs, et avait ses paradoxes. Même si d’indissociables liens unissaient les portées, tous savaient que l’amour fraternel véritable n’était pas sans mordant et que qui aime bien chat-tie bien.
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyDim 29 Jan - 15:42

Chapitre 4 - Instinct

Fables Félines Chap_411

Si Croymery était connue de par les landes comme l’Intacte, la cité n’était pas placide et morose pour autant. Le chaos qui naissait dans ses ruelles ce jour-là semblait l’assurer. La clameur soudaine fit dresser les oreilles. C’était un Baste en fuite qui attirait l’attention des miliciens, lancés à ses trousses aussi vite que leurs chausses armurées pouvaient les porter.

Pour tromper le triste sort qui l’attendait, le félin ne semblait pouvoir compter que sur lui-même, et ce dont la nature l’avait pourvu, soit la vivacité de ses pattes et de son esprit. Or, il était évident que ce dernier lui avait fait faux-bond, car c’était sans doute une erreur de jugement qui l’avait mis dans ce pétrin. Qui avait-il offensé? Le mystère restait entier. Qu’était-il, ce Baste en déroute? Pour la CFE, il était un criminel parmi tant d’autres, un grain de sable gênant dans l’engrenage du bon ordre de la cité. Pour le syndicat, peut-être comptait-il parmi les sacrifiables et, incidemment, les sacrifiés : un châtiment légitime pour ceux trop épris de chaos pour le crime dit “organisé”, ou ceux qui sont par nature trop gloutons pour le goût des dirigeants de l’organisation. Chose sûre, avec son pelage pâle et frisottant, ses oreilles courtes et incurvées, et ses petites moustaches, il était reconnaissable entre mille et les miliciens ne pouvaient pas manquer de l'identifier dans la foule bigarrée. Peut-être était-ce pour cela qu’au détour d’une énième ruelle, les miliciens à bout de souffle abandonnèrent leur course. Ils le retrouveraient. La capture d’une telle proie n’était qu’une question de temps.

Or, ces miliciens de la Coopérative avaient omis de compter sur une force de la nature. L’instinct. Chez un seul Baste, il pouvait faire des petits miracles… mais il avait ses limites. Après tout, si la plupart des félins retombent de coutume sur leurs pattes, la règle avait parfois de funestes exceptions. L’instinct pourtant serait salutaire au Baste fugitif ce jour-là. Sans plus de questions sur la nature de son forfait, une Baste au pelage doré moucheté de noir avait approché ce dernier, et l’avait conduit avec empressement vers le domaine de la Famille. Là, il aurait l’occasion de faire peau neuve. Le Baste pâle au pelage frisotté ne reparut plus au-dehors, du moins plus sous cette apparence, par la grâce de la patte experte de Ciar’Reyna. Comme tout bon Baste, s’il n’était pas voué à vivre longtemps, on pouvait dire de lui qu’il avait eu plus d’une vie. Et il pouvait bien remercier la solidarité des Bastes. Car si un pelage lissé et teint pouvait faire des merveilles pour tromper l’oeil d’un quidam non-averti, qu’il soit de la milice ou encore un pauvre hère avide d’empocher une prime… le subterfuge serait moins à même de tromper les sens d’un autre Baste. Pas un mot de toute l’affaire, pourtant, n’avait franchi la barrière des crocs Bastes. Au nom de la force de l’instinct, qui unissait les Bastes par une solidarité plus forte encore que celle de l’intérêt ou du sang, la loi du silence régnait, et les Bastes assuraient leur survie par leur cohésion... tout aussi instinctive.

Seule une nouvelle fable, qui aurait pu atteindre les oreilles des habitués du salon, semblait donner une miette d’explication. Car le fugitif s’était gagné une Famille… et la ménestrelle s’était gagné l’inspiration d’un nouveau conte.

“Il était une fois un Baste bien indigent
Face auquel levaient le nez les braves gens
Qui devant la misère le plus souvent
Savent se faire particulièrement méprisants

Un murmure lui fit frémir l’oreille la nuit
“Si tu veux être riche, regarde dans le puits”
Éveillé en sursaut, cherchant en vain qui l’avait dit
Il crut son bienfaiteur caché ou enfui

Mais il suivit le mystérieux chuchotement
Et trouva au fond d’un puits asséché en cherchant
Une amphore pleine de colifichets rutilants
Qui firent sa fortune en moins d’un instant

Plus tard, richement logé et grassement nourri
Non plus indigent mais félin établi
Il entendit ce murmure dont il choisit de faire fi
“Laisse tout derrière, on t’a trahi”

Le Baste cracha sur ce conseil inconvenant
Qui tombait à un fort mauvais moment
Alors que la vie montrait enfin de l’agrément
Il ignora donc ce bienfaiteur devenu irritant

Mais ce Baste qui avait dit “Tant pis”
Périt ce soir-là égorgé dans son lit
Comme la puce à son oreille avait dit
Mal prend à qui ignore son instinct de survie”
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyDim 29 Jan - 17:44

J'ai 2 ans, c'est mon anniversaire aujourd'hui.
Ou c'est la semaine prochaine? C'est pas important.
Là tout ce qui compte c'est de courir, courir plus vite qu'eux.

Tourne à droite, encore, puis à gauche.
Pourquoi j'cours de même? Un des gardes, j'mens pas j'pouvais le sentir, il devait avoir au moins 30 volailles dans sa besace.
Je me suis dit que j'pourrais en prendre une sans qu'il le remarque. Je pouvais pas.

Tourne à droite, j'm'enfonce dans la ruelle. Aucune chance qu'ils me suivent encore. J'suis trop rapide puis, ils sont trop lents.
Je fige. Une Baste qui s'approche. Je fais pareil.
Elle m'entraine, on marche vite. Elle pose pas d'question. Pas avec des mots.
Je sais que j'en aurai plus tard. Mieux que ça vienne d'elle qu'eux.

On arrive chez elle, elle vit avec sa sœur.
Elles se présentent, celle qui m'a amené ici s'appelle Ciar'Sorcha. La soeur : j'me souviens plus. C'est pas grave.
Les questions commencent, elles veulent mon nom. Je réponds Mau. Elles savent bien que c'est pas vrai. Un haussement d'épaule, ça semble pas les embêter.
Elles me proposent de rester, j'serai parti demain matin. Je veux pas rester mais c'est mieux, ça va donner l'temps au gars dehors de m'oublier.

(...)

Tout ça s’est passé il y a presque 2 ans. Je vis encore avec elles, elles sont bien. J'ai un nouveau nom maintenant, Mau, il va bien avec le nouveau pelage que Ciar’Reyna m’a fait. C’est le nom de la sœur. C’est important finalement, elles sont importantes. J’ai une nouvelle famille.
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyMar 31 Jan - 0:40

Chapitre 5 - Natures

Fables Félines Chap_510

Oreilles rabaissées sur le crâne et plume en main, Ciar’Sorcha écrivait.

La concentration qu’elle tentait d’injecter dans son récit était bien mince, étiolée par le raffut voisin. Frénétiquement, Ciar’Reyna préparait ses peignes, brosses et autant d’accessoires pour un nouveau mandat. Ciar’Sorcha reposa la plume pour s’intéresser à ce que faisait sa sœur qui se laissait entraîner bruyamment par de nouvelles lubies.

Celle du jour?

Ciar’Reyna devait teindre en fuchsia l’intégralité du pelage de l’une des… artistes Bastes du Moulin Rouge. Puisque c’était la couleur favorite d’un habitué. Parce que l’œuvre de la styliste n’aurait pas meilleure carte d’affaire pour circuler entre de nombreuses pattes et mains. Parce que le fuchsia était une déclinaison du rouge cité dans le nom de l’établissement, ce qui chatouillait l’esprit créatif de l’esthète. Parce que le Moulin Rouge était un lieu excitant de bien des façons, où les secrets et passions naissaient et mouraient. Parce qu’il semblait que l’ennui n’était pas le bienvenu là-bas. Et, par-dessus tout, parce que pourquoi pas.

Ciar’Reyna était comme le torrent qui emporte dans son sillage les branches tombées et les alluvions, leur faisant faire corps avec la rivière ne serait-ce qu’un temps. Une force de la nature qui tractait dans ses nouvelles lubies l’ensemble de son entourage. Bon gré mal gré. Telle était sa nature.

“Ciassa, tu pourrais venir, peut-être que tu trouveras un peu d’inspiration là-bas. La Reyne pense que ce sera déjà moins morose que ce cagibi… On s’amusera. Puis, Mau vient aussi.”


Le concerné, adossé au cadre de porte dans son habituelle désinvolture, haussa un sourcil tandis que son oreille tressaillait. Celui qui avait autrefois été le fugitif qui avait fait pelage neuf demeurait une énigme. Il avait adopté le pseudonyme de Mau, de ces premières syllabes qui viennent à la gueule des chatons, universelles mais vides de sens. Entre les lignes, on pouvait deviner que si Mau les accompagnait, les sœurs pourraient compter sur sa protection, mais aussi sur davantage d’intrigues. L’habitué des bas-fonds flairait les affaires louches à cent lieues à la ronde et parfois ne pouvait pas résister à la tentation d’aller les renifler de près. Telle était sa nature.

Alors dans sa frénésie, Ciar’Reyna l’esthète chargea Mau et Ciar’Sorcha de tout son barda, soit un massif sac et autant de seaux de teinture que leurs pattes pouvaient porter, et ils se mirent en route. Chacun de leurs pas les rapprochant de l’établissement qui faisait ressortir chez ses visiteurs leur nature profondément enfouie.

Il semblait que parmi la masse bigarrée des fils et filles de Rem’Niir, il était simple pour les trois Bastes de se rapprocher de leur essence. Ciar’Reyna touchant à tout et se précipitant, s’extasiant de chaque beauté et s’insurgeant de chaque laideur, dans l’intensité impénitente qui la caractérisait. Mau se perdant en murmures avec l’un ou l’autre des serveurs. Quant à Ciar’Sorcha, elle demeurait discrète, observatrice, en retrait, contemplant pour le moment les récits qu’elle pourrait tisser d’un présent décousu et vide de sens.

Mais il ne fallut pas grand temps pour que Ciar’Reyna décide d’interpeller sa sœur, une fois attelée à l’ouvrage et installée avec ses pots de teinture devant une charmante Baste qui n’avait plus pour la couvrir que son pelage calicot.

“Ciassa, La Reyne pense que ce serait bon pour toi de t’ouvrir un peu, heh. Il n’y a pas meilleur endroit pour ça. La mise à nu des désirs, tout ça.”

Pour toute réponse, Ciar’Sorcha eut une moue dubitative, sa queue balayant l’air pour révéler une touche d’impatience.

“La Reyne veut dire, une commandite, là. Pour ce que tu écris. La GRAAAAAAAAAAANDE éditrice Tsaraassa, que tu admires tant, a bien dû commencer quelque part, tu vois…”

Avant même que Ciar’Sorcha ne réponde, la courtisane Baste au ventre à moitié rose s’extasia sur l’idée. Un roman qui la mettrait en vedette, faisant d’elle une héroïne sensuelle, lui semblait une excellente publicité pour laquelle elle se ferait une joie de payer. Grassement, si le résultat l’enchantait et lui ramenait une clientèle encore plus nombreuse et encore plus raffinée.

Tandis que Ciar’Reyna et sa cliente s’émerveillaient ensemble, Ciar’Sorcha sembla à nouveau se perdre dans ses pensées, mûrissant déjà des réflexions sur ce premier contrat. Elle ne put demeurer en ses méditations bien longtemps. Avec ce premier mandat venait une leçon, elle était à la merci des mécènes qui l’avaient choisie. La courtisane roucoulante et mouchetée de rose avait déjà une demande.

“Entretemps, fais-nous donc entendre quelque chose. On en a pour l’éternité avec ces teintures, et ce serait dommage qu’on s’ennuie.”

Après un instant de réflexion, la ménestrelle se saisit d’un tambourin abandonné sur une pile de coussins après telle ou telle danse lascive, pour entonner la fable suivante sur un rythme qui convenait à l’ambiance de la maison des plaisirs. Dans les paroles au goût du jour, l’auditoire aurait de quoi lire entre les lignes.

“Étaient en temps anciens, d’il y a peut-être cent ans
Des frères rivaux divisés en tout temps
D’avis contraire sur chaque enjeu important
Dès que l’un disait “noir” l’autre, sitôt, disait “blanc”

De la même portée, mais tout à l’opposé
Ils semblaient bien destinés aux hostilités
Poussés par leur essence et entourage à se déchirer
C’est alors que la déferlante d’Éther vint frapper

Les griffes se rétractèrent, les critiques envolées aussitôt
Une patte secourable présentée pour faire face au chaos
Et une langue salutaire offerte pour soigner les maux
L’adversité leur rappelant ce qu’ils savaient déjà trop

Les statuts, les fortunes et les caractères varient
Et si les alliances ordinaires viennent et fuient
Solidaires par nature, vous savez ce que l’on dit
Quand vient la nuit, tous les Bastes sont gris”

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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyVen 3 Fév - 0:02

Chapitre 6 - Liberté

Fables Félines Chap_511

Musique d’ambiance
https://www.youtube.com/watch?v=MwPHSPaQNew

Encore, Ciar’Sorcha écrivait. Cette fois, elle apportait les touches finales au récit commandité par la courtisane du Moulin Rouge.

La sensualité et les passions torrides n’étaient pas tant la tasse de thé de Ciar’Sorcha, qui avait dû patauger en terrain inconnu. Ciar’Reyna avait régulièrement entendu sa soeur pester à mi-voix, et jurer en avoir par-dessus les oreilles de ce qui allait dans quel orifice et de quelle façon.

Finalement, après avoir rempli plus d’une corbeille de premiers jets rejetés, une idée avait pris racine. Celle d’une épique générationnelle, traçant l’histoire d’une romance entre un tempétueux Fae’Hekel et des générations de Bastes tantôt passionnées, tantôt ingénues, tantôt farouches et tantôt sensuelles, se succédant dans les bras du Fae tandis que passaient les années.

Et ce jour-là, Ciar’Sorcha apportait les dernières corrections au manuscrit, révisant certains passages, déjà lasse comme s'il lui avait fallu vivre autant de vies qu’elle avait créées en les couchant sur le vélin.


Roman à l’eau de Rose a écrit:
« L’âge me rattrape. Le ciel de ténèbres de la fourrure de mon museau s’est clairsemé d’étoiles blanches. Lorsque nous marchons ensemble, mes pas sont moins lestes, et mes articulations m’implorent d’éviter les acrobaties coutumières en mon jeune temps. Et pourtant, il demeure intouché par le passage des années. Sa peau demeure claire, aucun de ses rares poils n’a viré au blanc et ses élans demeurent les mêmes qu’il y a une décennie. Et même si le temps ne le touche pas, tandis que ce même temps cruel m’emporte chaque jour plus près du tombeau, il est une chose qui est chez moi immuable. Je l’aime toujours autant… »



Plutôt que de verser dans l’érotisme, elle avait investi davantage dans la romance et la dévotion, tissant le récit d’un marché digne de Rem’niir qui semblait unir ce client et ces générations de courtisanes ensemble. En soi, le roman était scandaleux de bien des manières, mais sans doute pas de la façon dont la courtisane l’avait originalement envisagé. Et la ménestrelle posait enfin le chapitre final de cette romance vouée à causer l’outrage et la réflexion, qui sont au fond de proches parents.


Roman à l’eau de Rose a écrit:
« Pour des générations, il a veillé sur notre famille. D’aussi loin que nous le sachions, il a veillé sur nous, et nos aïeules les plus lointaines. Depuis les jours de mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère, et peut-être même avant, il était là. Seule constance en nos existences, il l’a toujours été. Longtemps, je l’ai cru immortel, mais l’âge et l’expérience aidant, je vois désormais que le temps laisse sur lui sa marque. Ma fourrure se ternit, et la sienne aussi. Ma souplesse s’en va peu à peu, comme le fait la sienne. Je sais maintenant qu’il ne pourra pas veiller sur mes enfants. La mort d’un être de son espèce est si rare. La fin d’une vie si longue demeure une tragédie. Il a vu et vécu tant de choses. Peut-être ai-je moins vu et moins vécu, mais je me souviens de l’important : je sais que ma présence le rassure et l’apaise. Même si l’aube n’est pas venue pour nous à la même heure, j’espère de tout cœur lui offrir le confort de notre passion jusqu’au crépuscule de nos existences. »


C’est solitaire qu’elle vint porter le volumineux ouvrage à la maison de passe où l’attendait sa commanditaire.

(...)

La Baste, dont le pelage teint avait viré au rose pâle avec le passage du temps et l’usure du métier de courtisane, était apoplectique. Poils hérissés et griffes sorties, elle avait achevé sa lecture. Elle avait débuté cette lecture dans le grand hall du Moulin, une salle remplie de tapis et de coussins, dans laquelle flottaient de nombreux muscs et parfums voués à éveiller tous les appétits. Sous l’œil de la splendide statue d’or de Rem’Niir, une effigie plus grande que nature du dieu des marchés, le malaise et l’irritation de la mécène avaient pris de plus en plus d’espace, jusqu’à éclater tout à fait. Des couples ou trios enlacés interrompirent leurs ébats, interpellés par les feulements de la courtisane, excités peut-être de se trouver aux premières loges de l’action. Ils attendaient et peut-être espéraient que les félines en viennent aux griffes.

“Ubaassi devait être LA rose à cueillir et effeuiller, et dans ce torchon, Ubaassi n’est qu’une vulgaire fleur fanée. Ubaassi devait être l’héroïne au cœur de tous les fantasmes et de toute l’action, et voilà qu’Ubaassi n’est qu’une arrière-pensée parmi une légion de femmes, parmi des… générations.”

La courtisane marqua une pause, comme pour ponctuer l’intensité dramatique de la litanie des crimes perpétrés à l’encontre de sa personne par le roman qu’elle brandissait au-dessus de sa tête. Dans son emportement, la courtisane baste au poil rose bonbon et hérissé prenait des allures de pompon délavé, et le contraste entre la magnitude de son drame et son apparence risible suscita parmi l’audience quelques éclats d’hilarité plus ou moins bien retenus.

“Des pages d’un texte interminable dans lequel on se perd parmi les tournures de phrases denses, voilà un voyage bien inutile dans le passé et l’avenir quand tous savent qu’il n’y a que l’instant présent qui compte… Un texte pareil devrait être concis et bien ficelé, voué à faire monter l’excitation pour l’apothéose… Parlant d’apothéose… Si on cherche L’ÉROTISME, LA SENSUALITÉ, dans ce ramassis d’âneries, ils sont aux abonnés absents. Aussi bien cachés qu’un trappeur de l’Ours, ils n’ont pas laissé une trace. On peut bien compter les scènes torrides sur une patte… et encore. Ubaassi a lu des chapitres entiers sans un attouchement. Et de tout le roman, PAS UNE SEULE ORGIE. DÉGOÛTANT.”

D’un geste théâtral, la courtisane laissa tomber le roman sur le tapis, et de la patte arrière fit mine de l’enterrer, et bien illustrer ce à quoi elle comparait le résultat de sa commandite.

La courtisane se tourna ensuite vers l’assemblée qui n’avait d’yeux que pour elle et son scandale, pour sa tempête dans un verre d’eau. Elle posa la patte sur son cœur, et vint cueillir à son corsage un écu d’or, un seul, qu’elle présenta entre les griffes de son pouce et de son index. Yeux levés vers la statue de Rem’Niir, la tragédienne se fit ronronnante.

“Un marché est un marché, et je respecte la parole donnée, autant qu’il me peine de le faire. Quand bien même la marchandise ne vaut pas son prix en parchemin, Ubaassi paye son dû, et paye plus encore de sa réputation ce faisant…”

Avec théâtral dédain, elle lança la pièce vers Ciar’Sorcha, concluant ainsi sa prestation. La barde avait gardé sa placidité de toute l’esclandre, ne laissant pas filtrer mot par-delà la barrière de ses crocs.

Seuls ses yeux d’or plissés trahissaient son état d’esprit, celui du prédateur prêt à frapper. Concluant à son triomphe de par le silence de la barde, la courtisane vint simplement lâcher.

“Tu as donné ta langue au chombre, tu n’as pas une chanson ou une ballade pour t’excuser, et chercher à te faire pardonner, une ode à ma gloire que tu pourrais chanter?”

Sans abandonner son flegme, la barde vint simplement répliquer.

“Voici une petite fable pour qui veut du concis
Que prenne garde la marionnette qui ne vit
Que dans le regard des autres qui au fond se rient
Pareil renoncement à la liberté ne vaut pas son prix”


La pièce empochée et sa part du marché comblée, la ménestrelle fit son chemin vers la sortie du grand hall. Libre.
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptySam 4 Fév - 14:33

Chapitre 7 - Ivresse

Fables Félines Chap_710

Musique d’ambiance
https://www.youtube.com/watch?v=cTiTpnf7P-o

La réputation de la splendeur du Vignoble de Croymery n’était plus à faire. Lorsque venait le temps des récoltes et que ces dernières étaient bonnes, il était fréquent pour le Vignoble d’ouvrir grand ses portes aux gens du commun comme à la bourgeoisie établie de la cité libre pour un grand banquet, la Fête des Vendanges. La coutume de la diplomatie par le ventre ne s’était pas perdue, malgré l’inaccessibilité de l’hors-Croymery depuis des décennies. Ainsi, le Vignoble réaffirmait sa pertinence et la légitimité de sa réputation, tandis que les foules se pressaient, fardées et coiffées, vêtues de leurs plus beaux atours et parées de leurs plus splendides joyaux. De par cet événement en apparence généreux, la famille Thav’Illa faisait valoir sa richesse et son importance, et déplaçait ses pions sur l’échiquier politique de Croymery comme elle le faisait si bien depuis des temps immémoriaux.

L’idée de célébration et de bombance, les joies d’un tel rassemblement et l’étalage de denrées n’avait pas manqué d’attirer les sœurs de la portée des Ciar, et leur protecteur ramassé dans le caniveau. Si Ciar’Reyna avait l’esprit en ébullition à force d’idées, voyant dans ce grand rassemblement mille opportunités d’affaires et l’occasion de s’emplir les yeux de beauté, le pragmatique Mau voyait là une occasion sans pareille pour s’emplir le ventre comme jamais dans l’année. Ciar’Sorcha, elle, avait plutôt faim d’inspiration quand elle se posa sur son siège.

Les coupes étaient à peine remplies du vin nouveau et les entrées à peine posées sur la table que Ciar’Reyna entrait en grande conversation avec ses voisins de tablée, un couple de Dvergars qui croulait sous les bijoux, commentant sur les vertus de tel ou tel shampoing voué à laisser le pelage, ou les barbes dans ce cas-ci, aussi lustrés que de l’or fin. La Reyne s’enivrait tant de ses propres paroles que des possibilités germant en son esprit, quant à l’issue de cette conversation.

Mau, lui, refusait de perdre une seule seconde pour parler. Il avait la bouche pleine avant même que la première assiette n’aie fait contact avec la table, et d’un geste ample déjà il redemandait de tout au serveur en s’empressant de vider les couverts aussi vite qu’ils venaient. Devant lui, une paire de Fae’Hekel et un Croyen le toisaient d’un regard ébahi, en regardant s’envoler les denrées plus vite encore qu’elles n’arrivaient, obnubilés comme s’ils assistaient au tour de passe-passe d’un magicien et bien incapables de remplir leur assiette avant que le vorace Baste ne rafle toute la pitance. Ils eurent même un sursaut en le voyant s’étrangler, et presque suffoquer, pour avaler une polquette entière d’une seule et unique bouchée, avec un appétit rare que seuls peuvent avoir ceux pour qui l’idée de crever de faim n’est pas qu’une expression abstraite. Faute de pouvoir croquer quoi que ce soit, l’auditoire s’emplissait de vin et de l’ivresse que donnait pareil spectacle.

Mais la ménestrelle, que ces manières ne surprenait plus, cherchait ailleurs de quoi raccrocher son intérêt. Ce n’est pourtant pas parmi les invités richement vêtus s’échangeant des banalités et des badineries de plus en plus ivres qu’elle dénicha ce qu’elle cherchait. Elle le découvrit plutôt en promenant son regard sur les collines ondoyantes des campagnes croymeriennes qui étaient propriété du vignoble, terres épargnées par l’Éther et rachetées au prix fort.

Dans les campagnes bucoliques des Tertres, il en était pourtant qui s’abstenaient du banquet. En ce jour de fête populaire, nombreux étaient les bourgeois et les artisans établis qui prenaient congé pour pleinement profiter de la fastueuse réception, où on levait tour à tour les verres à l’abondance de la récolte, à la générosité des Thav’Illa, à l’ardeur travaillante et à l’esprit d’entreprise de tout-Croymery. Mais pourtant cet esprit d’entreprise se manifestait avec d’autant plus d’ardeur en ceux qui renonçaient à l’idée de lever leur verre, trimant ce jour-là pour quatre, histoire de brasser des affaires d’or quand les autres commerçants plus éminents s’adonnaient à s’absenter.

C’était le cas d’un duo de lavandières Bastes, occupées à battre des matelas pour les dépoussiérer, bousculées par leurs chatons qui leur jouaient dans les pattes. À force d’efforts et de courbatures, elles pourraient gagner en un jour ce qu’elles gagnaient de coutume en un mois ou deux, en s’occupant ce jour-là des literies du domaine Thav’Illa habituellement entretenues par des blanchisseurs autrement plus réputés. Ce n’est que la fête passée, festoyant sur les restes et sur quelques bouteilles de vin nouveau achetées à prix doux, que les lavandières trinqueraient aux Thav’Illa, à leur propre esprit d’entreprise qui leur avait empli les poches, et au reste. Dans la cité qui définissait ses castes par la profondeur du compte en banque et au poids des écus d’or accumulés, elles faisaient partie des intouchables. Pourtant, elles trouvaient des astuces pour dérober à la vie les joies de l’existence habituellement refusées aux miséreux.

La barde leva sa coupe vers les deux lavandières et leur portée, avant d’en faire autant pour ses deux compagnons de tablée aux mâchoires lestes; l’un mastiquant tout ce qui lui tombait sous la patte et l’autre étourdissant ses voisins de table Dvergar par sa conversation enfiévrée. Ce fut le tour de la barde d’ouvrir la bouche, mais elle le fit pour chanter. L’hymne qu’elle entonnait était une chanson à boire connue, parfois chantée lors de la Fête des Vendanges. La rumeur voulait que les Thav’Illa aient encouragé sa propagation autrefois, consolidant d’autant plus le statut de leur commerce comme étant LE visage de l’Intacte… mais mal prendrait sans doute à qui chercherait à creuser pour le confirmer. Si la chanson était toute trouvée pour l’occasion, elle ne chantait pas pour la foule bigarrée ni pour les Thav’Illa. Tout comme les Thav’Illa, elle avait près du cœur l’importance de la famille, et elle chantait de bon gré pour ceux qu’elle voyait comme membres de SA famille.  

“La récolte, mes amis, est enfin ramassée
Dans le jeune vin, goûtons les douceurs de l’été
Mélancolies et blessures sont pansées

Tandis que la flamme du vin
Envahit les veines, et noie les chagrins
Des douleurs passées ne laissant rien

Bénédiction divine de toutes les nations
Qui dans le vin voient la vérité et la raison
Qui adoucit les plus âpres négociations

Dans la douce ivresse, la fraternité
Dans l’étreinte du vin, querelles oubliées
Dans la caresse de l’ébriété, béate liberté.

Tandis que ceux qui hier étaient ennemis
Deviennent les camarades d’aujourd’hui!”



HRP - Plus sur la chanson:
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyLun 6 Fév - 0:15

Chapire 8 - (Més)Aventures

Fables Félines Chap810

La redécouverte des Tertres après le retrait des marées éthérées était, pour nombre de Croyens, une ère de découverte pure et simple. Autant de créatures étranges et méconnues semblait se presser aux abords de la cité, tandis que les habitants s’évertuaient à trouver les simples commodités dans les campagnes auxquelles ils pouvaient, théoriquement, de nouveau accéder.

Mais ces explorations n’étaient pas sans heurts, et certaines étaient faites au prix du sang versé, et de quelques poils laissés sous les griffes des créatures hostiles et affamées.

Ce soir-là, la barde avait pris le temps de composer une fable à la volée pour rendre hommage à un de ses confrères Bastes qui comptait, peut-être un peu malgré lui, parmi le lot de ces aventuriers téméraires.

“Laissez-moi donc vous raconter
Une fable de fil blanc tissée
Histoire avec d’la laine commencée
Mais qui s’sera vite retournée

Des monstres verts hantent les ch’mins
Mais peuvent fuir les plus malins
Et trébuchant sur leur chemin
Tomber l’museau dans un champ d’lin

Que ce soit dit, il n’faut pas croire
Que l’malheur colle à la peau du baste noir
L’chat d’abondance sait y voir
Pour ceux et celles qui veulent y croire.”


Avec cette chanson, elle avait fait un clin d’oeil à cette nouvelle connaissance et à cette amitié naissante. La leçon que certains pourraient lire entre les lignes était simple, la fortune et la malchance étaient deux faces d’une même pièce. Si la superstition voulait que les Bastes noirs puissent porter malheur, il faisait tout autant de sens de voir en un Baste de ce pelage un félin qui pouvait assurer la prospérité.
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyMar 7 Fév - 14:12

Chapitre 9 - Espoirs

Fables Félines Tabaxi10

Dans l’air du temps à Croymery, la cité se chargeait d’espoir et de frénésie, les affaires reprenaient de plus belle avec le retrait de l’Éther et nombreux étaient ceux qui se collaient de l’or plein les poches à force de labeur ou d’un peu de créativité.

Or, dans cette ambiance d’optimisme que même les sporadiques monstres aux portes de la cité et le fatras de pipes jonchant les ruelles ne mitigeait pas, Ciar’Sorcha devenait de plus en plus songeuse tandis que ses fonds se faisaient dignes de leur nom et fondaient.

Elle évitait la banque, pour s’épargner la vue d’un coffre vide dans lequel même une humble mite aurait crevé de faim faute de tissu à ronger. Elle rangeait les dettes accumulées du bon coeur de camarades, espérant que de repayer la chose en faveurs et de son art serait assez. C’était rangé là avec la promesse d’un éventuel et hypothétique salaire pour le labeur de sa plume, dont l’or sonnant et trébuchant n’avait pas encore manifesté sa couleur.

Elle chérissait des fruits passés par Ko’Zai et en grugeait un morceau quand la faim était trop prenante, et rêvait de poisson. Elle bénissait silencieusement celui ou celle qui avait laissé un pichet vide dans le coffre à dons, et trompait la faim à grandes rasades d’eau fraiche.

Pourtant, elle gardait encore le sourire, malgré les dépenses excédant les gains, de loin. Elle n’avait pas trop coutume que de travailler de ses mains, préférant laisser son esprit vagabonder et lui assurer la pitance. Mais force était d’admettre que cela ne suffisait plus.

Puisque pour écrire des partitions, et rêver seulement un jour d’avoir un grimoire à soi pour y loger les écrits chargés de mana et même plus de livres pour ses compositions, il fallait du parchemin et se faire la main. Parce que le parchemin coûtait les yeux de la tête, il valait mieux le faire soi-même. Parce que finalement, au lieu de simplement broyer des bûches pour en faire de la pulpe à papier, il fallait le couper en planches parce que c’était comme ça. Parce qu’il fallait un outil, puis un autre, puis un ènième que ses quinze pauvres écus restants ne permettait plus d’acheter. Parce que personne ne voulait de bois brut, apparamment. Alors, coincée dans une impasse qui prenait l’allure de maison des fous, elle souriait tristement en rêvant de réduire les colossaux totems de pipes en pulpe à papier, afin d’en avoir assez pour écrire tout son content, et même emballer la mairie de parchemin au grand complet.

Parce que, encore heureusement, les rêves ne coûtaient rien.

Mais au-delà du refuge des rêves, la réalité persistait, et elle était fauchée.

Le vent de la rumeur en porta une à son oreille, celle de la richissime héritière et de son or à dilapider, pour un peu de poésie. De ce genre d’histoire trop belle pour être vraie, qui transforment les bardes candides en bardes floués. Encore une fois, la question se posait, et si... Si elle osait, si elle écrivait. Norik lui avait bien remis trois livres, elle pourrait bien en sacrifier un, pour ça. Le second se réservait aux fables félines, le troisième, au cas de Sarastse.

Quand ne reste pas grand chose, reste au moins l’espoir et la rêverie.
Restait bien à voir si ces choses-là payaient, à Croymery.

***

Peu de temps après l’annonce de la commanditaire, un nouveau livre avait trouvé sa place aux archives, un recueil de poésie dédié en préface à la Comtesse Jo.


Ciar’Sorcha a écrit:
La Chat-nce

À qui sourit le chat sourit la chance
Surtout peut-être s’il a pelage de nuit
Que se détrompent ceux qui pensent
Que tout au fond n’a pas son prix

Et quand les trésors ne s’alignent pas
La fortune se fait imprévisible et rouée
Peut-être s’envoleraient les tracas
Si les promesses sont respectées

Mais la fortune qui sourit à belles dents
Est-elle honnête, dit-elle bien vrai?
Ou bien fait-elle marcher les braves gens?
Ou est-ce jeux de dupes que l’on croirait?

On ne sait pas, on lance les dés
On gagne, on perd, on meurt, on vit
L’important c’est bien de jouer
Y’a des étoiles dans la plus noire des nuits

Mana

Curieuse enfant de l’Éther
A fait son chemin parmi nous
Bénis ceux d’ce savoir-faire
Et ceux qui en connaissent tout

Mais elle est aussi capricieuse
Comme sa cousine la fortune
Ceux touchant son essence précieuse
Ont conséquences peu communes

Et que dire des indigents
Pour qui magie est hors de prix
La Mana boude les pauvres gens
Comme la fortune qui les fuit

Chanson de la mine

Et qu’on mine
Mine tout, sauf le moral
Et qu’on mine
D’notre labeur sans rival

Et qu’on mine
Un filon pas minable
Et qu’on mine
Pour mettre l’pain sur la table

Et qu’on mine
Peau d’fer et or gagné
Et qu’on mine
Grains d’sable d’l’éternité

Le disparu

Sur ses pistes encore effacées
Vont chercher, vont flairer
Ceux voués à enquêter
Pour retrouver l’envolé

Pourquoi donc est-il perdu?
Celui qu’on ne voit jamais plus
La réponse est par les rues
Sans mots parle le disparu


Filons

La bête est dépecée
FILONS.
Le trophée glané
FILONS.

Les monstres vont courser.
FILONS.
Faut pas s’essouffler
FILONS.

Une chasse après l’autre.
FILONS.
Et on a notre…
FILON.

Polquettes

Qui ne connait pas ces volailles?
De l’humble fermier par son travail
Au chasseur qui se croit de taille
En faisant des tas de plumes en pagaille

Mais personne n’les connaîtrait mieux
Que le pauvre trappeur malheureux
Revenu du vignoble marchant sur des œufs
Parce qu’une polquette, c’peut être dangereux

Triomphes

À celui qui triomphe de ses peurs
À celle qui triomphe des créatures de l’éther
À celui dont triomphe toute l’ardeur
À celle qui triomphe sur l’ennui  délétère

Qui vainc sans péril triomphe sans gloire
Et la leçon est valide en toute chose
Le savent bien triomphants, porteurs d’espoir
Car ceux qui triomphent sont ceux qui osent
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptySam 11 Fév - 18:27

Chapitre 10 - Silence

Fables Félines Anisul10

La veille, en posant quelques notes sur son tambourin, testant une nouvelle partition à peine écrite pour en assurer les harmonies, le sujet était tombé sur le silence, si précieux soi-disant en librairie. Mais pourtant, en rompant ce silence-là, la soirée était devenue bien plus intéressante, de sa perspective. Le libraire Sarastee avait pu faire la publicité d'un événement qu’il comptait organiser, sa fameuse grande vente finale. Ils avaient pu causer des curieux Warak, et le bibliothécaire avait promis de fouiller les livres poussiéreux datant d’il y avait bien des centaines d’années, pour voir ce qu’il saurait trouver.

Mais il avait demandé à la ménestrelle dans la foulée une chanson sur ce ô-précieux silence… et il était connu que la ménestrelle n’avait qu’une parole. Toujours, on l’avait connue pour livrer la marchandise sur ses promesses. Quand bien même ceci payait de plus de tracas que de vrais gains, parfois.

En barde égrillarde trouvant toujours à mettre en musique les aventures ou mésaventures, en mots et en fables les affaires du temps, elle ne trouvait pas tant de vertus au silence, et c’était donc un sujet difficile pour une composition. Cela restait pourtant un défi intéressant, et quelle pauvre ménestrelle serait-elle si elle ne relevait pas ce genre de défi avec brio.

Le silence… elle ressentait, glacé sur son échine, celui de Mau et de sa sœur Ciar’Reyna depuis quelques temps. Mau s’était envolé de par les ruelles et son silence était inquiétant, même si il avait coutume de certaines bordées ou il revenait après une semaine, pour cuver ses excès. Le retrouvera-t-on, silencieux pour toujours, comme Sarastse… Et quand à sa sœur, qui était celle tempétueuse, et qui brillait tandis que Ciar’Sorcha de coutume composait, et réfléchissait… dans l’action tandis que la barde était dans la réflexion, il semblait qu’elle lui battait un peu froid et se faisait silence boudeur.

Que dire du silence de Sarastse, qui jamais ne témoignerait de ce qui lui était arrivé car la mort avait scellé sa gueule pour de bon. Du silence du vignoble, quand le plus grand tremblement de terre diplomatique depuis cent ans venait de se produire. Du silence de Jahemil quant à son secret, de cette plume maniée dans l’ombre de peur du jugement de ses pairs qui l’empêchait pleinement de s’épanouir. Qu’en était-il de ces mots non-dits par la Comtesse Jo, qui forcément l’empêchait de payer la commandite et la menaçait d’ennuis dont, faute de savoir la nature, on ne pouvait pas la protéger… Que dire aussi de tous les malentendus, et du temps perdu, tous enfants du silence sur des affaires d’importance…

Non, vraiment, la barde n’aimait pas tant le silence.

En conséquence, les muses étaient silencieuses, elles aussi.

Fouillant dans des boites vermoulues pour documenter l’article sur la fameuse grande vente finale, elle trouva plus qu’elle en avait demandé, et pour une fois, elle se fit silence, le temps de digérer ces visions un peu troublées, une fois ses pattes bien, bien lavées.

***

S’ensuivit la composition de la suivante chanson, non pas chantée mais déposée dans un livre tout simplement, en hommage à ce fameux silence au cœur de la chanson. Parfois l’inspiration se trouverait au détour d’une ruelle, là où on ne l’attend pas.



Ciar’Sorcha, silencieuse pour une fois a écrit:
Silence

Et était posé là, par écrit, la partition de la chanson qui n’avait pas été chantée tout haut.

Bonjour ténèbres, chères amies
Je viens vous parler cette nuit
La faute de curieuses visions troublées
Tirées d’un rêve halluciné
Ces visions laissées en moi
Par le son… du silence

Dans ce rêve, j’m’étais trouvée
Dans le fin fond d’une sombre allée
Et mes yeux brûlés dans la noirceur
Par d’étranges visions d’horreur
Restait le son… du silence

Pesant silence semble rire
Des gens qui parlent sans rien dire
De ceux qui écoutent sans entendre
Des chansons que nul ne veut comprendre

Nul ne veut...
Troubler… le silence précieux

“Folie” je dis, “ N’savez vous pas”
“Qu’le silence est trop de tracas”
En espérant que mes mots vous touchent
Que le silence quitte votre bouche
Mais les mots tombèrent dans l’silence glacé
Et sitôt dits furent oubliés

À d’autres autels peuvent se vouer
Les mots qui n’sont énoncés
Les secrets et complots qui dansent…
Au son... du silence


HRP - Sur la chanson:
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MessageSujet: Re: Fables Félines   Fables Félines EmptyLun 13 Fév - 15:10

Chapitre 11 - Cœurs

Fables Félines Chap_111

À l’aube de la Grande Vente Finale célébrant la romance, organisée par le libraire et scribe de Croymery, la barde avait mûri une composition.

Elle devait à deux compères un subit élan d’inspiration. D’abord, Jahemil-Feir s’était épanché sur un tragique passé distant et confié sur cet amour de jeunesse déçu entre lui-même et une demoiselle qui avait déjà été fiancée. Il avouait tromper dans le labeur cette déception amère qui le hantait encore à ce jour.

Puis, avec son optimisme légendaire (au sens où nul ne pouvait vraiment affirmer l’avoir vu de ses yeux), Loktar avait renchéri en espérant repousser les affaires de coeur au plus tard possible en sa vie, ne voyant en elles que des chagrins potentiels.

Les chagrins du premier, et la prudence du second, dirigèrent sa plume pour composer une nouvelle partition, et une fable allant de pair. La Ménestrelle n’était pas spécialiste des affaires de cœur, oh que non, mais l’optimisme elle connaissait, et elle se donnait la mission d’en insuffler une forte dose à ses compagnons puisque l’amour était à la mode ces jours-ci.

“Vivait dans l’ancien temps
Un renommé Baste artisan
Qui avait percé un secret
D’orfèvrerie comme nul n’avait

Et ce cher Baste usa de ses dons
Pour une bien noble raison
Il ouvrit sa boutique pour réparer
Les pauvres cœurs brisés

Car voyez-vous il avait le tour
De mettre les cœurs à jour
Puis, en maniant ses outils
De les recoller via l’orfèvrerie

Et il rendait les cœurs en entier
Joliment et parfaitement réparés
Après avoir pris les morceaux
Et recollés ceux-ci à l’or chaud

Les cœurs brisés pas recyclés
Non pas perdus, non pas jetés
L’épreuve les embellissant encore
Faisant d’eux de précieux trésors

Les clients sortaient bien satisfaits
Et on admirait leurs cœurs parfaits
Pour qui fondaient les prétendants
Voulant capturer cœurs si charmants

Car en toute chose malheur est bon
Et comme le prouva artisan de renom
Tristesse ouvre la porte à la joie
Pour peu que l’on y croie.”

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